Girard-Perregaux doit la création du Tourbillon sous trois Ponts d’or à Constant Girard. En 1852, il fonde la maison Girard & Cie, qui prendra le nom de Girard-Perregaux en 1856, deux ans après son mariage avec Marie Perregaux. Si l’histoire de la manufacture horlogère remonte à 1791, c’est parce qu’elle se conjugue à celle de l’ancienne maison Bautte, rachetée en 1906.
Une démarche singulière
Datant des années 1860, le tourbillon emblématique de Girard-Perregaux est le fruit d’une recherche très personnelle menée par Constant Girard. Selon François Chaille, auteur d’un ouvrage sur la marque paru aux éditions Flammarion en 2004, il se distingue des autres horlogers capables de le fabriquer par « une passion particulière, quasiment dévorante, pour cette pièce extraordinaire. Non content de son architecture courante, il va la porter à un éblouissant degré de perfection et de beauté ». La voie empruntée ne connaîtra pas d’équivalent avant longtemps : à la technique parfaitement maîtrisée s’ajoute une mise en scène des plus spectaculaires.
Les mouvements à tourbillon créés par Constant Girard restent fondamentalement classiques dans la mesure où ils adoptent le concept du calibre Lépine inventé au siècle précédent. Depuis lors, les ponts, généralement au nombre de trois, ont remplacé une deuxième platine dans la plupart des montres mécaniques. La différence vient de la recherche esthétique appliquée à l’ensemble du calibre. L’horloger de La Chaux-de-Fonds a résolu d’aligner le barillet, le rouage et le fameux tourbillon sous des ponts disposés en parallèle et terminés en flèches, créant un équilibre d’une surprenante élégance. Dans les premières créations, les ponts étaient en forme de barrettes métalliques relativement simples. Ils ont ensuite été façonnés dans de l’or massif et allégés, avec un centre réduit à l’essentiel pour dégager la vue sur les mobiles. Quant au tourbillon, il a été caractérisé par une cage en forme de lyre, elle-même devenue emblématique de la marque. Le Tourbillon sous trois Ponts d’or a été breveté en 1884 et son modèle le plus célèbre a remporté une médaille d’or lors de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Logé dans un boîtier de montre de poche en or rose finement gravé, il a pris le nom de La Esmeralda, le même que celui des boutiques de Paris et de Mexico du détaillant dépositaire, et aurait appartenu au général Porfirio Diaz, président du Mexique. En 1970, un heureux concours de circonstances a permis à Girard-Perregaux de racheter le chef-d’œuvre qui figure aujourd’hui dans la collection du musée de la manufacture.
Le plus grand défi à relever fut celui de la miniaturisation voulue par le passage du chef-d’œuvre au poignet.
La production des chefs-d’œuvre de Constant Girard a été interrompue en 1911, quelques années après la disparition de l’artiste, pour ne reprendre que 70 ans plus tard. Il a alors fallu renouer avec les techniques du passé et relancer la fabrication de composants disparus. François Chaille rapporte que Denis Schnegg, l’horloger qui s’en est chargé, a connu « la plus grande émotion de sa vie en écoutant la musique du tic-tac de la première montre de poche Tourbillon sous trois Ponts d’or de la série rééditée entre 1981 et 1982 ». Cette édition marquait le retour de Girard-Perregaux sur le terrain de la Haute Horlogerie mécanique. Depuis 2010, la maison propose une nouvelle interprétation qu’elle réalise à la demande. Dans le boîtier savonnette en or rose, le mouvement est protégé par deux couvercles, l’un orné d’une fine gravure, l’autre vierge, en attendant que le futur propriétaire choisisse le décor qui fera de son Tourbillon sous trois Ponts d’or une pièce absolument unique.
L’arrivée des montres-bracelets
Cependant, le plus grand défi à relever fut celui de la miniaturisation voulue par le passage du chef-d’œuvre au poignet. La mission, à nouveau confiée à Denis Schnegg, a été menée à bien pour la célébration du bicentenaire de la maison, en 1991. Outre les nombreuses difficultés liées à la réduction de la taille du mouvement, il a fallu en modifier la construction afin de mettre le tourbillon et les ponts à l’honneur, côté cadran. Restait encore à réaliser l’exploit de fabriquer une montre-bracelet Tourbillon sous trois Ponts d’or à remontage automatique, « sans rien modifier de l’architecture parfaite des trois ponts », comme le précise François Chaille. La solution, présentée en 1999, est venue d’une masse oscillante en platine, métal lourd qui a permis une taille réduite et donc une intégration dans l’espace restreint disponible.
Parallèlement à l’évolution technique qui a permis de décliner la collection en modèles manuels et modèles automatiques, Girard-Perregaux s’est évertuée à varier les plaisirs en adaptant l’esthétique, en particulier celle des ponts, à la forme et au style des montres-bracelets masculines ou féminines. Nombre de variations se sont succédé, généralement en éditions limitées. D’une manière générale, on distingue deux types de pont : les flèches de La Esmeralda historique, qui ont été reprises avec la plus grande fidélité dans La Esmeralda de 2016 déclinée cette fois en montre-bracelet pour le 225e anniversaire de la Maison, et celles des tourbillons d’origine, qui ont fait leur réapparition avec des centres évidés en 2002, dans le cadre rectangulaire d’une Vintage 1945. Avec le Neo-Tourbillon sous trois Ponts (pas d’or) lancé en 2014, Girard-Perregaux a ouvert la voie à des designs plus disruptifs mais néanmoins reconnaissables.